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    Conscience quantique -nouvelle science, nouvelle spiritualité

    La modernité est partie d’un Yalta métaphysique : aux religieux le ciel, aux scientifiques la terre ; entre les deux, un rideau de fer. Mais voilà qu’une fissure, provoquée par les physiciens du début du siècle, s’élargit maintenant à d’autres disciplines – neurologie, sciences de l’évolution… – et menace de tout remettre en cause. Réenchantement ou confusion ? Nouvelles Clés tente un bilan, et interroge Jean Staune – tête chercheuse de talent.

    II y a ceux qui pensent que, spirituellement, la science ne saurait être qu’annexe –  » ce serviteur qui se prend pour le maître « , dit la voix des Dialogues avec l’ange. Toute une école philosophique récente, qui va de Heiddeger aux écologistes ultra (animistes), pense que la science, désormais inséparable d’une technologie surpuissante, est un labyrinthe où les démons du mental nous mènent droit à notre perte.

    Ceux-là rêvent à la rigueur d’une autre science, radicalement différente, fondée sur les qualités et sur les flux psychiques. Mais l’essentiel étant à jamais non mesurable, ils trouvent la poésie ou la méditation plus aptes à nous raccorder au réel que toutes les sciences réunies.

    Et puis il y a ceux qui, à l’inverse, pensent que c’est par la science que le monde moderne va retrouver la spiritualité.  » Une grande porte s’ouvre, disent-ils, voici l’heure du réenchantement du monde ! «  ; l’expression a fait florès depuis que l’historien des sciences Morris Berman a titré ainsi un livre sur les bouleversements de la science contemporaine et que Prigogine et Stengers en ont fait la conclusion de leur Nouvelle Alliance (1). La science réenchanteresse ! On avait longtemps pensé qu’elle désenchantait au contraire notre vision du monde, cette science qui avait cassé toutes les croyances et illusions d’Homo religiosus. Cette science dont l’Homo scientificus Jacques Monod disait, dans Le hasard et la nécessité (2), qu’elle nous avait définitivement jetés dans un monde absurde et glacé, qu’il fallait désormais avoir le courage de regarder en face. Surprise : arrivée tout au bout de sa glaciation, la science semble inverser sa course, nous faisant découvrir qu’à l’opposé des certitudes naïves du XIXe siècle, qui se croyait à deux doigts d’élucider le mystère du monde, plus la connaissance avance, plus l’inconnu augmente et, avec lui, la démesure de notre émerveillement.

    Le défaut de cette nouvelle vision émerveillée est évidemment le risque scientiste, cette tendance à vouloir ramener l’expérience spirituelle à du démontrable. Tenter d’attraper l’Infini dans les filets d’une équation, constitue un vieux piège et ils sont nombreux aujourd’hui, dans la nébuleuse New ge notamment, à vouloir  » scientifiquement prouver  » le moindre battement d’aile d’ange.

    Mais le risque couru par les anti-scientifiques n’est pas moins grand : ils quittent le vaisseau terrestre actuel, que la science mène à toute allure – si vite, il est vrai, et dans un tel désordre, que plus personne ne contrôle plus grand-chose, mais justement : faut-il renoncer à influer sur sa course ? Le  » lâcher-prise  » si nécessaire dont nous parlent les sages signifie-t-il déserter tous les postes de commandement ? Les deux camps ont des arguments puissants. Comment s’en sortir ?

    Remontons aux origines. L’intuition première des grands fondateurs de la science moderne ressemble énormément à une expérience mystique.

    Descartes, le cartésien number one ? On sait bien qu’il eut la vision de son  » Je pense donc je suis  » dans un rêve, où un ange l’encourageait à se fier à sa certitude que le monde était connaissable.

    Newton, l’autre grand fondateur ? C’était un alchimiste, un homme qui vérifiait expérimentalement (faut-il dire  » expérientiellement «  ?) que le monde du dehors rejoint le monde du dedans et que le grand se retrouve dans le petit. Et Kepler, dont les découvertes astronomiques partaient de la conviction exclusivement poétique d’un système solaire arrangé à la manière de la gamme musicale !

    La vision d’Einstein

    Et, pour rejoindre d’un bond notre temps, que dire d’Einstein ? Toute sa recherche démarre le jour où, encore enfant, il est si frappé d’apprendre que la lumière se déplace à une vitesse prodigieuse, qu’il  » s’amuse  » à visualiser un individu allant à cette vitesse. Il fallait être doué, c’est sûr ! Fermez les yeux. Imaginez-vous allant à la vitesse d’une moto. Puis accélérez, passez à la vitesse d’une voiture de course, puis d’un avion, d’une fusée, d’une comète… Si vous réussissez à atteindre trois cent mille kilomètres à la seconde, écrivez-nous et dites ce que vous voyez ! Le jeune Einstein y parvint et  » sentit  » le continuum espace-temps, avec son  » pôle nord  » lumineux. Ensuite, il mit des années à démontrer sa fulgurante et poétique vision par les mathématiques. On pourrait citer bien d’autres exemples, il y en a autant qu’il y eut de découvertes fondamentales, puisque l’intuition, comme la création, échappent par essence à la raison et au rationnel. Mais restons trente secondes avec Einstein.

    Quand on parle de lui à l’université ou sur les bancs des grandes écoles, c’est toujours pour parler d’E = MC2, jamais de sa vision d’enfant. Cette dernière figurera tout au plus en note de bas de page, comme une anecdote amusante. Voilà peut-être où notre culture achoppe et se castre elle-même : la source de feu où ses savants vont boire y est traitée en note de bas de page !

    Peut-être Einstein est-il le premier coupable ? Peut-être n’a-t-il pas su, ou pas voulu, initier ses élèves à sa propre prise de contact originelle avec le monde ? Ne dit-on pas que ce qui veut s’expliquer doit d’abord se vivre ? Curieusement, Einstein fut aussi le dernier génie de l’âge dit  » classique  » (en fait, regardé depuis les autres civilisations, cet âge ressemblerait plutôt furieusement à une adolescence). C’était l’âge où l’on se figurait l’objectivité comme un moyen sûr d’aller au bout de la connaissance du réel. L’objectivité, c’est-à-dire la vision du monde à travers un objectif – aussi appelé en optique  » lentille  » ou  » cristallin «  -, instrument de séparation, qui permet au bébé de lentement se séparer de sa mère, instrument qui ne sait traduire le monde que sous la forme d’objets.

    Seulement voilà, après Einstein sont venus d’autres génies, qui minèrent la vision  » classique « . En inventant la Mécanique quantique, Niels Bohr et l’école de Copenhague scièrent à la base toute la science qui va de Descartes à Einstein. Depuis 1927, le statut du réel a fondu dans un brouillard vertigineux. Même si, comme le fait remarquer le physicien Kerson Huang, l’expression  » principe d’incertitude d’Heisenberg  » est aujourd’hui trop facilement mise à toutes les sauces (l’incertitude mathématique ne peut pas être directement traduite en incertitude psychologique !), nous savons désormais qu’au niveau subatomique, nul ne peut plus décrire la matière comme faite d’objets. Pire : sa nature  » entière  » nous est désormais, par principe, inaccessible ; et tout se passe comme si les lois spatio-temporelles n’y avaient plus cours, comme si au niveau subatomique la matière échappait à l’espace-temps !

    Une révolution de la pensée

    Ces notions ne sont pas simples à concevoir. Pour la plupart d’entre nous, nous en sommes encore à essayer de nous figurer, dans notre imaginaire corporel, que la terre est ronde et qu’il n’y a pas un  » bas  » et un  » haut  » dans l’espace infini – c’est-à-dire que nous en sommes à vivre la révolution copernicienne du XVIe siècle ! Depuis, même si nos imaginaires ne sont pas au courant, deux grandes révolutions au moins ont totalement bouleversé la vision physique du monde ! Primo, la vision einsteinienne, d’où l’univers ressort sous forme d’un gigantesque continuum espace-temps maintenu par la force gravitationnelle, et surtout, secundo, la vision quantique, qui signale qu’au fin fond de la matière, il se passe des événements pas du tout orthodoxes… qui remettent tout en cause.

    Comme si le matérialisme était parvenu au bout de quelque chose et se trouvait aujourd’hui contraint à une mutation essentielle. Contraint de réintégrer la notion d’esprit ? Partout en tout cas, au milieu de notre monde technoscientifique, resurgit le mythe : l’hypothèse du Big Bang prétend que l’univers entier serait sorti d’une singularité, c’est-à-dire d’un point sans dimension, dont l’ » explosion  » il y a seize milliards d’années aurait créé l’espace-temps-énergie-matière. Et avant ce grand Bang ? Rien de représentable. On bascule au-delà des mots. Et nous nous retrouvons tous tels des petits enfants, ou tels des  » primitifs  » devant un mythe des origines. La médecine ultramoderne permet de sauver des millions de gens qui, jadis, seraient morts : beaucoup rapportent de leur sauvetage des récits de NDE totalement mystiques, ultra positifs. Pourquoi ? Leur expérience, disent-ils, est ineffable.

    L’astronautique envoie des cosmonautes dans l’espace : plusieurs en reviennent porteurs d’un message de paix et d’amour  » holistique  » qui les jette sur les routes de la planète Terre. De voir la planète bleue, racontent-ils, vous change à jamais, mais il faut  » l’avoir vécu pour comprendre « . De nouveau, on se retrouve dans l’ineffable. Il reste bien sûr de grands pans de la science où règne toujours l’esprit naïf, réductionniste, du XIXe siècle. Est-il étonnant que ce soit surtout dans les disciplines les plus jeunes, biologie, neurologie, que l’on voit encore caracoler les scientifiques les plus simplement matérialistes ? Mais il est permis de penser que la double hélice d’ADN, où sont codés, dit-on, tous les secrets du vivant, déclenchera plus de mythes que toutes les autres disciplines réunies – espérons seulement que leur irruption ne s’effectuera pas dans une atmosphère de catastrophe à la Golem !

    Bref, d’une manière ou d’une autre, on a l’impression que notre civilisation redécouvre à sa manière toutes les grandes intuitions spirituelles que l’humanité a connues depuis l’aube des temps. Toutes !

    Mais rien n’est jamais pareil : cette fois, c’est la science qui mène la (re) découverte, souvent à son insu, telle une géante somnambule, voire à son corps défendant. Jusqu’à présent, la géante Science a fait preuve d’une assurance considérable, et a nourri des processus qui l’ont hissée, littéralement, au rang de force cosmique. Arrivée là, elle a vu surgir des problèmes considérables – surpopulation, surarmement, radioactivité, désertification… directement provoqués par son action.

    Au même moment, se produisent les grandes irruptions mythiques dont nous parlions plus haut, qui semblent déboucher sur une renaissance spirituelle. On pourrait dire :  » Heureusement « . Car voilà que dans les zones les plus meurtries de la planète, dans les autres cultures – issues d’autres civilisations que la technoscience occidentale a écrasées – Homo religiosus, qu’on croyait en voie d’extinction, tente une furieuse remontée. Homo scientificus n’y comprend plus rien. Que l’on puisse, par exemple, ne pas craindre de mourir, lui échappe tout à fait, lui qui espère encore  » vaincre le vieillissement et la mort  » par quelque médication.

    Il est temps que la science, et avec elle toute la modernité, sorte de l’adolescence, devienne adulte. Qu’elle s’incline devant ce qui la dépasse – découvrant qu’il est une façon de s’incliner qui vous grandit, celle dont Einstein disait :  » Plus je découvre, plus c’est beau, plus je m’incline, plus je découvre, plus c’est beau…  » Double hélice d’ADN, trous noirs, synapses, quarks : savants, que de merveilles vous nous faites découvrir, devant lesquelles nous ne pouvons que nous incliner ! Mais la merveille n’est-elle pas décuplée si, par les chemins de la science, nous retrouvons – au-delà d’elle – le Sens qui a déjà nourri toutes les autres civilisations humaines ?

    Depuis les années 30, beaucoup de chercheurs ont mentionné de grandes convergences spiritualo-scientifiques, notamment entre la nouvelle physique théorique et les grandes philosophies d’Extrême-Orient – Schrödinger parlait des Védas dans les années 40, Fritjof Capra du Tao dans les années 80. Les divergences ne sont d’ailleurs pas moins intéressantes. Voyez ce que dit Kerson Huang du partage des rôles entre sciences et Yi Jing :  » Le rôle des premières finit où commence celui du second.  » Et prenez la fameuse lamentation des scientifiques musulmans qui, tel le prix Nobel de physique pakistanais Abdus Salam au colloque de Venise en 1985, s’interrogent :  » Comment se fait-il que la modernité ne soit pas venue du monde islamique, alors que le grand Averroès en avait posé tous les fondements, un demi-millénaire avant Descartes ? «

    On pourrait lui répondre que les plus grandes idées ne se matérialisent qu’à leur heure, en fonction d’un contexte plus global. On pourrait surtout lui souffler la réponse d’Henri Corbin : c’est parce qu’aujourd’hui règne sur le monde la pensée  » objectivante  » de Occidcnt moderne, avec son  » Yalta métaphysique  » (aux religieux le ciel, aux scientifiques la terre, entre les deux un rideau de fer), que les savants musulmans remarquent rétrospectivement la modernité d’Averroès, et sa ressemblance avec Descartes ou Spinoza.

    La civilisation islamique n’en est pas moins fondamentalement différente de l’Occident ; elle a développé une logique radicalement autre : celle dont l’aboutissement le plus beau pourrait s’appeler l’Imaginal, ou science des univers intérieurs. Questions : et si nous arrivions à la fin du  » Yalta métaphysique «  ? Et si les deux empires, le scientifique et le religieux, ne pouvaient tenir close plus longtemps la frontière qui les sépare depuis cinq cents ans, parce que les fondements respectifs de la matière et de la conscience se rejoignaient soudain, dans notre compréhension, quelque part dans l’hors temps ? L’Imaginal et le Scientifique pourraient-ils se rejoindre ? Mais s’agirait-il toujours de science ? Est-ce aller trop vite en besogne ? Ne risquerait-on pas de basculer dans la pire des confusions, dans une régression médiévale ? Quelles sont les dernières nouvelles du  » rideau de fer «  ?

    Pour parler plus avant de tout cela, nous avons interrogé un jeune chercheur français qui, pour être clairement lancé dans une quête spirituelle, n’en demeure pas moins fidèle à une stricte rigueur scientifique. A l’Occidentale.

     » Voilà que la science nous ramène au sens « 

    Mathématicien, épistémologue, éditeur d’ouvrages scientifiques, organisateur de multiples colloques sur la  » nouvelle science  » (4), Jean Staune, qui prépare actuellement un doctorat de paléontologie, est un jeune homme très enthousiaste. Pour lui, travailler sur la popularisation des grandes découvertes scientifiques est un sacerdoce. Il n’a pas son pareil pour vous convaincre que le fameux  » changement de paradigme  » dont tout le monde parle, peut radicalement nous changer la vie… à condition de demeurer très scientifique, c’est-à-dire très rigoureux.  » Rien ne sert, dit-il, de s’agiter ni de parler de spiritualité à propos de n’importe quelle découverte. Si vous ne changez pas l’ADN de la société, entendez son programme central, celui qui sera enseigné aux enfants, alors vous n’avez rien fait.  » Pour changer le  » programme central  » de la société, il faut se lever de bonne heure. Jean Staune est un homme qui a décidé de se lever à cette heure-là.

    Nouvelles Clés :

    Avec la Mécanique quantique (et dans une certaine mesure avec l’hypothèse du Big Bang) la science de l’inerte a vécu, en ce XXe siècle, une mutation fondamentale. Tous les grands physiciens l’admettent : aujourd’hui, ils n ont plus de problème pour accepter l’idée d’un Esprit, qu’il soit immanent ou transcendant. La science du vivant va-t-elle enfin connaître une mutation comparable ?

    Jean Staune : Pour résumer hardiment, il est vrai que la  » dématérialisation  » des fondements mêmes de la matière, provoquée par la Mécanique quantique, est mortelle pour la vision réductionniste. Quant à la théorie du Big bang, je lui adjoindrais volontiers le  » principe d’anthropie  » des astrophysiciens Dyson et Trinh Xuan Thuan, selon lequel, d’une manière ou d’une autre, nous (où plus largement, des êtres pourvus de conscience) avons forcément été  » prévus  » dès le début du cosmos.

    Alors quid des sciences du vivant ?

    J’y vois deux grandes révolutions en œuvre en ce moment même, qui vont prolonger le séisme quantique jusque dans notre chair. Il s’agit : 1- de la remise en cause radicale du darwinisme comme théorie de l’évolution du vivant ; 2- de l’infirmation expérimentale de l’Homme neuronal, c’est-à-dire de l’idée que notre conscience est réductible aux états de notre cerveau.

    Commençons par l’évolutionnisme. Les darwiniens se divisent actuellement en deux camps : d’un côté, vous avez les purs et durs comme Dawkins ou Mayr qui s’accrochent à l’axiome darwinien de base, le gradualisme, selon lequel la vie serait un gigantesque fleuve continu, les espèces vivantes se transformant les unes dans les autres au gré de milliards de micromutations, purement accidentelles mais procurant à leurs  » titulaires  » un léger avantage dans la sélection naturelle. Ces puristes développent des modèles très cohérents sur le plan logique – qu’ils se régalent à appliquer à un monde  » à 100 % gouverné par les gènes «  -, mais sans aucun rapport avec la réalité. En face, vous avez les réformistes comme Gould, qui se rendent bien compte que le gradualisme ne tient pas la route et que, comme le disait Thomas Huxley, pourtant grand ami de Darwin :  » Natura saltum facit  » – la nature fait des sauts. Autrement dit, l’évolution s’est faite de manière discontinue. Ces réformistes sont beaucoup plus en accord avec ce qu’on trouve sur le terrain, par contre leurs modèles présentent de grosses faiblesses de cohérence interne.

    Évidemment, on voit bien pourquoi les purs et durs s’accrochent au gradualisme. Dire que l’évolution s’est faite par bonds, cela revient à supposer qu’il y ait eu non pas des milliards de microchangements aléatoires, mais des macromutations, c’est-à-dire une coordination de plusieurs mutations simultanées, ce qui ne saurait être le fruit du hasard, mais ne peut relever que d’un  » plan « , donc d’une intention. Or ces matérialistes strictement athées ne sauraient bien sûr accepter l’idée que la nature puisse avoir des intentions ! Pourtant, toutes les dernières découvertes vont dans ce sens, et cela va nous obliger à revoir bien des schémas que l’idéologie darwinienne nous a mis dans la tête.

    Un jour, une guenon a accouché d’un petit bipède

    Prenez cette fresque bien connue, souvent utilisée en publicité, où l’on voit un singe à quatre pattes lentement se redresser, pour peu à peu devenir un homme. Eh bien cette séquence est vraisemblablement fausse. Tout tend à prouver que le redressement du bassin s’est fait d’un coup. Les calculs les plus récents montrent en effet qu’il n’y a pas de maillon intermédiaire possible : du point de vue de votre bassin, soit vous êtes un quadrupède, soit vous êtes un bipède. Un bassin  » à 45° » n’est mécaniquement pas viable. Or le redressement du bassin suppose un véritable bouleversement de l’organisme, à des niveaux concernant des gènes très différents – le prix Nobel de neurologie Eccles explique en particulier qu’il faut un remaniement de toute une partie du cerveau, responsable de l’équilibre : un demi-bipède, qui continuerait à se promener avec un cerveau de quadrupède serait totalement handicapé et, d’après les théories mêmes de la sélection naturelle, rapidement éliminé.

    Vous voulez dire que l’australopithèque, notre premier ancêtre bipède, a pu apparaître tout d’un coup ? Mais oui. En une seule génération ! Un jour, une femelle primate a sans doute donné naissance à un australopithèque.

    C’est difficile à admettre.

    Bien sûr. Pourtant, quand on étudie la nature attentivement, tout se passe vraiment comme si toute l’évolution s’était effectuée de cette façon-là. Par sauts brusques, engendrant de nouveaux  » types  » d’êtres vivants – ce qui était l’intuition de tous les grands savants de l’évolution avant Darwin : Cuvier, Linné, etc.

    Aucun homme n’est  » un peu moins humain  » que les autres

    Vous avez le  » type papillon « , le  » type poisson « , le  » type chien « … Si vous vous retrouvez face à un chien très étrange, d’une race inconnue pour vous, au fin fond des montagnes de Chine, vous savez tout de suite qu’il s’agit d’un chien, c’est-à-dire qu’il appartient au  » type chien « . Inutile de préciser que la démonstration s’applique à l’homme : il n’existe pas, comme pourrait le laisser supposer le gradualisme darwinien, des hommes  » un peu moins humains  » que les autres. Ou vous êtes humain ou vous ne l’êtes pas, c’est net et carré. Attention : le fait que le darwinisme a toujours été lourd d’un racisme potentiel ne doit pas nous influencer – soit il a raison, soit il a tort, ce sont les faits qui doivent trancher.

    Pourquoi avons-nous du mal à concevoir ces  » macromutations «  ? Mais parce qu’elles sont rarissimes ! Elles ne se produisent sans doute que tous les cent ou deux cent mille ans, et nous sommes selon toute vraisemblance le résultat de la dernière en date ! Par définition, nous n’avons donc jamais pu assister à l’une d’elles. Cela signifie que les phénomènes qui se déroulent actuellement dans la nature ne sont en aucun cas des phénomènes propres à engendrer une macromutation, mais plutôt des manières de gérer la variabilité à l’intérieur d’un type. On pourrait les étudier durant mille ans, qu’on n’en saurait sans doute pas davantage sur le mécanisme des macromutations.

    On sait pourtant provoquer des mutations en laboratoire. Oui, voilà des décennies qu’on fait muter des millions de mouches drosophiles, par exemple, mais elles sont toujours restées des mouches drosophiles. On est resté à l’intérieur d’un type.

    La découverte scientifique cruciale à l’appui de l’idée de grands types vivants, séparés les uns des autres par des fossés franchissables uniquement par macromutations, nous vient d’une discipline toute neuve : la comparaison biomoléculaire. Nous savons aujourd’hui mesurer la  » distance génétique  » qui sépare les espèces, en comparant certaines protéines, par exemple l’hémoglobine alpha ou le cytochrome C, présentes chez tous les êtres vivants avec de légères variations. Or que découvre-t-on en mesurant ces dernières ? Contrairement à l’image de l’arbre évolutionniste de Darwin, on tombe sur des séquences discontinues avec un fait extraordinaire : tous les membres d’une séquence sont  » moléculairement équidistants  » des membres des autres séquences. Traduction très schématique : aucun reptile n’est plus proche des poissons qu’un autre reptile, aucun batracien n’est plus proche des reptiles qu’un autre batracien etc. Cela signifie, entre autres, que les  » horloges moléculaires  » des différentes espèces sont restées en quelque sorte branchées les unes sur les autres depuis des centaines de millions d’années, ce qui suppose une incroyable coordination générale.

    L’un des chercheurs les plus en pointe dans ce domaine, Michael Denton, qui dirige un centre de biologie moléculaire en Australie, rappelle dans son livre magnifique L’évolution, une théorie en crise (5), que nous ne sommes capables de reconnaître un niveau de complexité dans la nature que dans la mesure où notre propre technologie a atteint un niveau comparable. Un homme de l’Antiquité qui trouverait un ordinateur sur sa route n’y verrait aucune technologie. C’est très récemment, qu’ayant découvert l’ADN et les manipulations génétiques, nous nous rendons compte de la complexité  » technologique  » mise en jeu dans le vivant. Le problème, si l’on use de la métaphore  » technologique « , c’est qu’il faut supposer un ingénieur derrière. L’ensemble des mécanismes nécessaires à des macromutations présuppose l’idée de  » plan « .

    Nous sommes, grosso modo, construits avec les mêmes matériaux de base que nos lointains ancêtres bactériens (ADN, ARN, acides aminés…), pourtant nous sommes très différents. Imaginez une usine fabriquant des R5 et qui, tout d’un coup, se mettrait à fabriquer des R21, avec les mêmes ouvriers et les mêmes matériaux, qu’est-ce qui aurait changé ? Les plans. Où sont les  » plans  » qui coordonnent les macromutations et dirigent ainsi l’évolution du vivant ? Depuis quel niveau de réalité agissent-ils ? Pourquoi se déclenchent-ils ? Voilà les questions auxquelles on aboutit aujourd’hui.

    Selon vous, ces plans  » seraient intentionnels et mèneraient quelque part, n’est-ce pas ? Absolument. Je vous signale de ce point de vue une recherche absolument passionnante, menée par une jeune paléontologue française, Anne Dambrincourt. En étudiant systématiquement les os crâniens de tous les mammifères disponibles depuis soixante cinq millions d’années, elle est parvenue à démontrer qu’il y avait une  » montée vers le plus complexe « . Ce que viennent d’ailleurs confirmer des approches comme celles du mathématicien et biologiste Schützenberger : au fil de l’évolution, les protéines des nouvelles espèces sont de plus en plus complexes.

    L’homme de Néandertal était-il une  » fluctuation chaotique «  ?

    Vous savez que, d’après les darwiniens, l’évolution n’a pas de but ni la nature d’intention. Pour eux, le vivant n’est pas vectorisé. Une Lynn Margulis, un Stephen J. Gould estiment que l’homme n’est finalement pas  » plus évolué  » que la bactérie qui ressemble aux mitochondries de nos cellules. Comment alors expliquer que, systématiquement, les grandes familles vivantes aient été remplacées par plus complexes qu’elles ? Pourquoi, à la disparition des grands reptiles, a-t-on vu les mammifères s’imposer, et pas les grenouilles – d’un strict point de vue de survie génétique, rien n’interdisait à la nature d’inventer  » par hasard  » des super grenouilles… sauf que cela ne s’est jamais produit. L’évolution a un sens. Ce que Teilhard de Chardin appelait la  » tension vers oméga « .

    Cette tension, cette flèche, comporte toute sorte de déviations et de chemins de traverse. En appliquant les théories du chaos, Anne Dambrincourt aboutit à l’idée qu’à l’intérieur de chaque grande séquence du vivant, il y a fluctuation chaotique : l’évolution peut éventuellement partir dans tous les sens. Mais il y aurait toujours un  » attracteur étrange  » pour finalement ramener le flux vivant vers une certaine destination.

    L’exemple le plus frappant est celui de l’homme de Néandertal. D’après ses travaux, et contrairement à ce que pensent beaucoup de chercheurs, I’homme de Néandertal n’aurait pas été un Homo Sapiens. Il en avait pourtant la plupart des caractéristiques (et même un cerveau plus gros que le nôtre), mais c’était, d’après elle une fluctuation chaotique du « plan » précédent, celui de l’Homme archaïque (qui commence avec Homo Habilis), une sorte d’essai raté à la recherche de l’homme.

    Un raté qui a tout de même survécu des centaines de milliers d’années, se fabriquait des outils, maîtrisait le feu, enterrait ses morts… Absolument. Mais il est probable qu’il ne parlait pratiquement pas. Ses méninges, et donc l’irrigation sanguine de son cortex étaient trop faibles. Il n’y a pas, selon cette approche, de transition graduelle entre les hommes archaïques et l’homme actuel. Comme je l’ai déjà dit, ou on est Sapiens ou on ne l’est pas. Les premiers Sapiens d’il y a 100.000 ans sont déjà aussi Sapiens que nous, ils ressortent du même plan d’organisation. La notion de Sapiens archaïque n’a pas de bases biologiques selon Anne Dambricourt.

    Vous défendez donc une thèse qu’on pourrait dire « néo-créationniste » : les espèces vivantes n’auraient pu s’engendrer les unes les autres, sans un coups de pouce régulier (tous les cent ou deux cent mille ans) venu de l’extérieur de notre espace-temps. Et ce coup de pouce est dirigé dans une direction précise.

    Attention, il n’est pas question de dire que l’idée de création est aujourd’hui scientifiquement prouvée. Mais désormais, plus rien n’interdit à quiconque d’inférer logiquement l’idée de création de la recherche scientifique. Le gros problème que nous rencontrons, que ce soit en matière d’évolution, de mécanique quantique ou de Big Bang, c’est que, chaque fois, nous aboutissons à l’idée qu’il existe, derrière le monde, un autre ordre de réalité (qu’on l’appelle  » ordre impliqué  » comme David Bohm,  » réel voilé  » comme Bernard d’Espagnat, ou  » monde des idées pures  » comme Platon), un ordre qui échappe à l’espace-temps où nous vivons, mais qui est néanmoins en interaction permanente avec ce dernier. Or il très difficile, mathématiquement, de concevoir une relation (une  » bijection « ) entre un monde avec temps et un monde sans temps. Cette bijection s’appelle peut-être l’homme !

    Nous retrouvons ce problème dans le second grand domaine de recherche, où les sciences du vivant connaissent actuellement une révolution : le cerveau.

    La conscience est en avance de 0,5 seconde sur le monde

    Toute une école de pensée, autour du célèbre Marvin Minsky du M.I.T. de Boston, et de ses élèves Hans Moravec et Ruiz de Gopégui, soutient aujourd’hui la thèse réductionniste maximale : l’homme ne serait en fait qu’un chaînon manquant entre l’animal et la machine. Dans son livre Une vie après la vie (6), Moravec annonce que, d’ici peu, on fabriquera des cerveaux artificiels qui penseront comme l’homme, et même mieux : comparés à eux, nous serons si nuls, qu’il faudra nous greffer des organes artificiels pour que nous puissions soutenir un dialogue. De Gopégui, de son côté, prédit que nos descendants seront, au mieux, « les garçons de course des robots du futur ».

    Tous ces gens, très sérieux, édités dans les meilleures maisons d’édition, ne rient pas. Je les crois dangereux. Leurs raisonnements les conduisent, parfois explicitement, à proclamer que la liberté humaine est un leurre et que, demain, toutes les libertés civiles une fois éliminées, nous n’aurons qu’une alternative : être bien ou mal programmé.

    Il y a une façon scientifique de prouver qu’ils ont tort : démontrer que, contrairement à ce que prétend aujourd’hui la thèse académique officielle, la conscience humaine n’est pas réductible à des états neuronaux. Or cette démonstration est en cours. Elle est même déjà faite, et c’est quelque chose de fabuleux !

    La première expérience a été montée par le neurologue Jean-François Lambert, à la fac des sciences de Jussieu. Il a réussi à prendre les électroencéphalogrammes de lamas tibétains en train de méditer.

    Pendant la méditation, on envoie des flashs lumineux dans les yeux des lamas – ce qui, en principe, se solde par un tracé particulier dans le cerveau, dit  » potentiel évoqué réflexe  » (p.e.r.). Là, non : la concentration des méditants est telle qu’ils effacent le p.e.r. de leurs tracés. D’après la loi française (loi Caillavet), cela signifie qu’ils sont en état de mort clinique…

    Mais cela ne prouve pas que l’instance qui bloque le processus n’appartient pas elle-même aux circuits neuronaux. Cette expérience ruine le réductionnisme le plus dur, mais vous avez raison. Viennent alors deux autres séries d’expériences, respectivement montées par les neurologues Kornhüber et Libet qui, elles, font vraiment avancer l’idée que nous avons de la conscience. Leurs protocoles expérimentaux sont terriblement rigoureux (celui de Libet, qui est officiellement un  » nobélisable « , fait 90 pages).

    Essayons de résumer :

    Kornhüber demande à des volontaires d’appuyer sur un bouton quand bon leur semble. On observe leurs tracés. Tout se passe d’abord comme si le système nerveux  » décidait  » une fraction de seconde avant le sujet, ce qui tendrait à prouver que ce dernier n’a en fait aucune autonomie par rapport à ses neurones. Et puis, tout d’un coup, on trouve des tracés tronqués (des  » potentiels de préparation avortés « ), correspondant à des moments où le sujet a failli agir mais a soudain décidé de ne pas le faire. On peut en tirer la conclusion suivante : la conscience est aux états neuronaux ce que l’arbitre est aux footballeurs : la plupart du temps, elle laisse faire (la majorité de nos activités neuronales sont d’ailleurs inconscientes), mais de temps en temps, quand elle le juge utile, la conscience intervient. Les réductionnistes ne voient que le ballon et les joueurs, la présence de l’arbitre leur échappe – elle est pourtant cruciale.

    La description des expériences du Pr Libet, de l’Université de Californie, demanderait plusieurs pages. On compare les temps que met un sujet à réagir quand on lui pique le doigt et quand on lui pique la zone du cerveau correspondant à ce doigt.

    L’expérience est difficile à renouveler, il faut qu’un opéré du cerveau accepte de jouer les cobayes (ici Jean Staune se lance dans une série de croquis que nous ne pouvons malheureusement pas reproduire, mais qu’il se fera certainement un plaisir de fournir à qui le lui demandera. NDLR). Il en ressort une conclusion étonnante : tout se passe comme si la conscience était capable d’anté-dater ce qui arrive à notre corps. Si Libet a raison, les mots que vous lisez en ce moment même arrivent en fait à votre cerveau une demi-seconde plus tard que vous ne vous l’imaginez. Notre conscience se serait arrangée (dans un but de stricte survie) pour que nous ayons tout le temps une petite avance sur les événements. Si la conscience peut avoir, ne serait-ce qu’une demi-seconde d’avance sur les processus neuronaux, cela ruine toutes les théories des Marvin Minsky et autres Jean-Pierre Changeux : la conscience devient en effet une entité pouvant acquérir une certaine indépendance par rapport aux lois de l’espace-temps et de l’énergétique.

    Comment une entité non énergétique pourrait-elle agir sur la matière et nous faire bouger ?

    Là, nous serions bien ennuyés si la Mécanique quantique n’avait pas déjà été inventée. En effet, pour rester strictement scientifique, il faut respecter le principe de conservation d’énergie de Lavoisier : rien ne se perd, rien ne se crée. Mais Sir Eccles, le prix Nobel de neurologie, nous souffle la réponse dans son livre-testament (7) Vous savez que les informations circulent dans notre système nerveux en franchissant des milliards de synapses, où des millions de milliards de vésicules biochimiques s’ouvrent et se ferment sans arrêt, suivant certaines lois de probabilité. On a calculé que l’énergie nécessaire pour manipuler l’une de ses vésicules était de 10-18g (soit 0,000… dix-huit zéro en tout… 001 gramme), ce qui est une quantité d’énergie si petite qu’elle entre dans l’ordre du principe d’incertitude d’Heisenberg. Il est donc scientifiquement légitime de postuler, sans violer le principe de Lavoisier, que la conscience, l’esprit, est une force capable de réorganiser le mouvement des vésicules synaptiques et d’influer sur la probabilité de leurs répartitions. L’influence sur l’ensemble des vésicules synaptiques concernées par une action prendrait une demi-seconde environ en moyenne, mais la conscience se serait arrangée pour  » gommer  » ce léger problème… Cette demi-seconde d’avance nous serait évidemment passée inaperçue si la recherche scientifique n’avait pas  » feinté  » la conscience, en piquant directement une zone du cerveau. L’histoire des sciences est jalonnée de tels clins d’œil. En physique, l’ineffable nous est arrivé par les  » fentes de Young  » (à travers lesquelles les particules passent soit sous forme corpusculaire, soit sous forme ondulatoire). En neurologie, on parlera peut-être un jour des  » piqûres de Libet «  ! Chaque fois, le mystère est le même : de quelle nature est cet  » hors-espace-temps  » qui semble nous lorgner, aussi bien du fond de la matière que du fond de notre conscience ? La réponse scientifique à cette question est difficile. Nous en avons souvent parlé avec Bernard d’Espagnat. Comme je lui citais la  » théologie négative  » de St Denis l’Aéréopagite répondant à la question  » Qu’est-ce que Dieu ? : Ça n’est ni ceci, ni ceci, ni cela, ni cela, ni… « , d’Espagnat s’est mis à rire : c’est exactement ainsi qu’il définit le  » réel voilé « , sa façon à lui de nommer la mystérieuse réalité que la Mécanique quantique devine  » derrière le réel  » sans pouvoir la cerner.

    Là, immanquablement nous sortons de la science. Pourtant, c’est sur cette question que se jouera le grand affrontement scientifique du prochain siècle. Vous avez en effet deux tendances, actuellement alliées contre le réductionnisme naïf mais qui se retrouveront face-à-face sitôt celui-ci éliminé. Après l’affrontement  » matérialisme contre spiritualité  » du XXè siècle, nous aurons, je vous le parie, l’affrontement  » auto-organisation contre incomplétude « .

    Explication SVP !

    Ce sont deux niveaux du Nouveau Paradigme. Le premier, l’auto-organisation, est défendu aujourd’hui par des gens remarquables, comme Prigogine, Laszlo, Goodwin, Varéla, etc. Partant de la théorie du chaos, des structures dissipatives, de l’observation des systèmes vivants, notamment biosphériques, aussi bien que de la  » vie artificielle  » purement informatique, ils étudient, émerveillés, le fait que, dans certaines conditions, le réel s’auto-organise spontanément. Certains d’entre eux en tirent des conséquences philosophiques  » immanentistes «  :  » Ça s’organise spontanément !  » est leur cri de ralliement. Pour eux, le Sens Ultime est dans le monde et rien n’existe en dehors du monde.

    Le second niveau, celui de l’Incomplétude, serait représenté par des gens comme d’Espagnat, Trinh Xuan Thuan, David Bohm (8), Michael Denton. Ils ne nient pas l’auto-organisation, mais pour eux, celle-ci est forcément incomplète. Leur slogan serait cette phrase de Wittgenstein :  » Le Sens du Monde est aux marches du monde « , ou encore le théorème du mathématicien Gödel :  » Tout ensemble fini d’axiomes contient une proposition indécidable « , théorème magnifiquement illustré par de nombreux dessins d’Escher. Il y a toujours un trou au centre du monde, par où ce monde prend sens. Un trou au centre de la roue, qui fait qu’elle tourne. Que vous preniez la physique, l’astrophysique, la biologie, la neurologie ou la théorie de l’évolution, vous aboutissez chaque fois à un autre niveau de réalité, dont on ne peut rien dire, sauf qu’il existe.

    Vous l’avez compris, je me situe dans cette seconde école, qui dit à la première :  » Vous ne voyez que la moitié du réel et votre erreur part en quelque sorte d’une mauvaise interprétation de la tradition.  » Le Bouddha, par exemple, disait :  » Il y a un étant, un créé, un formé…(on pourrait ajouter  » un auto-organisé « ), mais cela n’existerait pas s’il n’y avait pas un non-étant, un non-créé, un non-formé… (et nous ajouterions  » un non-auto-organisé) !  » Les taoïstes, eux, diraient que l’auto-organisation est un attribut du Tao avec nom, qui est  » mère de toute chose « , alors que l’incomplétude appartient au Tao sans nom, qui est  » père de toute chose « . Toutes les grandes traditions spirituelles ont toujours distingué ces deux niveaux : le monde où nous vivons, qui est en perpétuel devenir, et l’Absolu -quelque soit le nom que vous lui donniez.

    En quoi le fait que la science nous ramène à ce grand dualisme vous plaît-il ?

    Ce qui m’importe c’est que la nouvelle science rejoigne enfin ainsi l’une des intuitions majeures de l’humanité. Cette rencontre me semble l’évènement le plus important de cette fin de millénaire. Nous avons tant besoin de retrouver du sens ! La science ne donne pas le sens mais elle conduit vers ! Elle nous montre la faisabilité du concept ! S’il n’existe pas de sens, il n’existe pas de  » je « , et donc pas de responsabilité, pas d’éthique, pas de libertés publiques. La clé de toute civilisation est la quête du sens.

    Interview par Patrice van Eersel Copyright Nouvelles


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    Notre existence a t-elle un sens? 9) Dieu revient très fort partie 1

     

    Cette série d'articles dans la catégorie "notre existence a t-elle un sens"? est  l'expression de  ce que j'ai écrit dans la présentation de mon blog: "Les merveilles de la nature me fascinent. Mes réflexions: le sens de l'Univers et de l'existence. En moi, il y a deux mondes: le monde extérieur du "faire"et le monde de l'intérieur, non conscient, mais tout autant réel. Ma devise: l'essentiel, c'est l'amour, amour du sacré. Mes modèlesJésus (l'amour),Pythagore (la mathématique), Einstein (la physique)".

    Je voudrais faire partager la lecture du livre de Jean Staunenotre existence a-t-elle en sens,  avec mes réflexions et les liens qu'elle m'a permis découvrir à travers internet. Ma quête est de retrouver (avec Jean Staune), le réenchantement du monde au cours des articles.


    Mes articles déjà parus dans cette rubrique:

    Notre existence a-telle un sens? 1) à propos de la préface du livre par Trinh Xuan Thuan

    Notre existence a-t-elle un sens? 2) Le désenchantement du monde (et de l'homme!)

    Notre existence a-t-elle un sens? 3) Comment ébaucher un "traité de la condition humaine"?

    Notre existence a-t-elle un sens? 4) vers de nouvelles lumières.

    Notre existence a-t-elle un sens? 5) première partie: Au-delà de cette limite, notre vision du monde n'est plus valable (naissance de la mécanique quantique).

    Notre existence a-t-elle un sens? 5) deuxième partie : Au-delà de cette limite, notre vision du monde n'est plus valable (la non-localité).

    Notre existence a t-elle un sens? 6-1) Vers un réalisme non physique...première partie

    Notre existence a t-elle un sens? 6-1) Vers un réalisme non physique...deuxième partie

    Notre existence a t-elle un sens? 7 partie 1) vous qui entrez ici perdez toute espérance ...

    Notre existence a t-elle un sens? 7 partie 2) vous qui entrez ici perdez toute espérance...

    Notre existence a t-elle un sens? 8 partie 1) le murmure du big bang...La deuxième fissure dans les théories classiques

    Notre existence a t-elle un sens? 8 partie 2) Le murmure du big bang... la genèse du big bang

     

    Je consulte souvent aussi: astrosurf.com -UNE INTRODUCTION A LA PHILOSOPHIE DES SCIENCES

     

    Exergue: "Dieu a fait deux choses folles.                                                        Premièrement il a créé l'Univers dans un big bang. Deuxièmement, il a été assez négligent pour laisser derrière lui des traces de son action". Paul Erdos.

    "Si nous acceptons l'idée qu'il n'existe qu'un seul univers, le nôtre, nous devons postuler l'existence d'une cause première qui a réglé d'emblée les lois de la physique et les conditions initiales". Trinh Xuan Thuan

     

     

    1) Pourquoi l'Univers est-il si grand?

     

     

     

     

     

     

     

    Rappel de l'article précédent: notre existence a-t-elle un sens 8) partie 2. Nous y avons trouvé la suite des réflexions à propos de la cosmologie: 2) La genèse du big bang (à voir canal-u.tv/video -l'université de tous les savoirs: le big bang3) Les autres preuves du big bang... un changement de paradigme de la cosmologie4) Pourquoi l'Univers est-il si homogène5) Pourquoi l'Univers n'est-il pas totalement homogène? 6) D'où venons-nous? L'article a été conclu par cette réflexion: Lemaître avait écrit un paragraphe dans la lettre de 1931 publiée dans la revue Nature, paragraphe qu'il raya et ne publia jamais. Mais il fut retrouvé dans ses papiers: "Je pense que quiconque croyant en un être suprême soutenant chaque être et chaque acte, croit aussi que Dieu est essentiellement caché et peut se réjouir de voir comment la physique actuelle fournit un voile cachant sa création". 

    Dans cet article, nous allons voir que Dieu a laissé plus d'indice et qu'en fait, "Dieu revient très fort". 

    linternaute.com -L'immensité de l'espace

    Aujourd'hui, commençons par un autre questionnement. Pourquoi l'Univers est-il si grand? Devant son immensité, il semble absurde d'imaginer que l'homme et la vie sur Terre   puissent avoir une signification quelconque et encore moins représenter une raison d'être de cet Univers. Cette conception est en accord avec les connaissances scientifiques du début du 20è siècle (les croyances personnelles pouvaient certes aller à l'encontre de cette conception). Mais elle ne l'est plus avec celle d'aujourd'hui.  

    Seuls les éléments légers (hydrogène, hélium...) se sont formés avec le big bang.  Beaucoup plus tard, les éléments tels que le carbone ou le fer ont été produits dans le coeur des étoiles alors que les éléments plus lourds sont apparus lors d'explosions d'étoiles, les supernovas, au cours desquelles sont atteintes des températures gigantesques. Ces étapes ont demandé des milliards d'années. Ceci a fait dire à Hubert Reeves que nous sommes des "poussières d'étoiles". A part les atomes d'hydrogène existant dans l'eau que contient notre corps, les atomes qui nous constituent ont élaborés il y a plus de 5 milliards d'années dans une région de la Voie lactée qui deviendra notre système solaire. Et finalement, la condensation des nuages contenant du matériel provenant de l'explosion de cette génération d'étoiles (sans doute une troisième génération?) crée le système solaire. Il semble probable que les étoiles de première génération ne pouvaient être entourées d'un cortège de planètes telluriques, solides, comme la Terre, Mars ou Vénus. Etant donné le temps qui est nécessaire à l'évolution pour aboutir à des êtres d'une complexité suffisante pour être conscients, il est théoriquement impossible que des être conscients puissent observer un Univers d'un diamètre de quelques milliards d'années-lumière "seulement". Le temps et l'espace étant liés, à chaque milliard d'années qui passent, le rayon de l'Univers observable grandit de 1 milliard d'années. Donc l'Univers dans lequel peuvent apparaître des observateurs conscients, nous en l'occurrence, ne peut être que gigantesque. Cela répond à la question "pourquoi l'Univers est-il si grand en comparaison de nous?". 

     

    blog.oratoiredulouvre.fr -Pourquoi dieu a-t-il créé un univers aussi vaste si nous y sommes seuls?

    futura-sciences.com -Quelle est la taille de l’univers ?

     

    2) Pourquoi l'Univers est-il si bien réglé?

     

     

     

     

    Avec les superordinateurs, la cosmologie moderne permet de simuler l'évolution de l' univers. On connait de mieux en mieux les principales lois de cette évolution et on peut ainsi "repasser le film à l'envers" jusqu'aux premières fractions de seconde. On peut alors modifier les constantes fondamentales (masse du proton, charge de l'électronconstante de gravitation...) ou les forces (nucléaire forte ou faible...) et voir à quels Univers elles conduisent. En faisant varier les combinaisons de forces ou de constantes, on peut obtenir un nombre quasi-infini d'Univers différents. La grande découverte, c'est que presque tous les Univers sont stériles. Une première coïncidence concerne l'évolution de l'Univers. Elle dépend de ce qu'on appelle "les conditions initiales" et en particulier de la densité initiale et de la vitesse d'expansion. Les scientifiques pensent que cette densité a dû être très proche de ce qu'ils nomment la "densité critique" pour laquelle l'expansion n'est ni trop rapide, ni trop lente. Dans un Univers moins dense, l'expansion l'aurait emporté sur le gravitation et aucune structure n'aurait pu se former, alors qu'un Univers plus dense se serait effondré sur lui-même trop rapidement pour permettre à la complexité de se développer et la vie n'aurait pas pu apparaître. Ce réglage de la densité par rapport à la vitesse d'expansion a dû être incroyablement précis à l'origine. On pense qu'il est de l'ordre de 1/1060. Cette probabilité incroyablement petite correspond,d'après Trinh Xuan Thuan, à la probabilité pour un archer de toucher une cible de 1 cm carré situé à l'autre bout de l'Univers en tirant une seule et unique flèche depuis la Terre, sans savoir dans quelle direction se trouve la cible.

    Deuxième "coïncidence": La charge électrique de l'électron et du proton sont exactement les mêmes, mais de signe opposé. C'est d'autant plus étrange que le proton est 1836 fois plus massif que l'électron. Personne ne sait pourquoi il en est ainsi, mais c'est une chance, car si les deux charges étaient différentes, ne serait-ce que de 11 chiffres après la virgule, les être humains et tous les objets de taille comparable exploseraient à cause du déséquilibre existant entre les charges des particules les composant, car les atomes ne seraient plus électriquement neutres. Pour des objets de la taille d'une planète, il y a beaucoup plus d'atomes et pour éviter qu'apparaisse un déséquilibre, il faut ici que les charges soient égales et cela même 18 chiffres après la virgule. Une autre façon  de l'exprimer est précisée dans techno-science.netla force électromagnétique étant de nombreux ordres de grandeur plus forte que la gravitation, la charge d'un proton doit être égale à la charge d'un électron, sinon la répulsion nette provenant de l'excès de charge électrique positive ou négative aurait un effet notable sur l'expansion de l'univers et ainsi sur la matière agrégée gravitationnellement (planètes, étoiles, etc.)

    Troisième coïncidence, que nous avons déjà examinée dans l'article précédent: le rayonnement du rayonnement du fond cosmologique, "fossile" du big bang", est très homogène sans l'être totalement. Le réglage est très précis. Si les inhomogénéités étaient un peu plus grandes, les étoiles n'auraient pas pu se former, les galaxies s'effondrant directement pour se transformer en trous noirs, et si elles étaient un peu plus petites, les étoiles, les galaxies et les grandes structure n'auraient pas pu se former car cette fouis, l'Univers aurait été trop homogène. 

    Quatrième coïncidence. Elle concerne la force nucléaire forte. C'est la fusion nucléaire, dite parfois fusion thermonucléaire, processus où deux noyaux atomiques légers s’assemblent pour former un noyau plus lourd, qui est à l’œuvre de manière naturelle dans le Soleil et la plupart des étoiles de l'univers. Si elle était un peu plus faible, les étoiles se formeraient bien, mais le feu thermonucléaire ne pourrait pas s'allumer. Un tel Univers serait mort, car il ne disposerait pas de source d'énergie. Mais si on augmente un peu cette force, alors les réactions de fusion au coeur des étoiles s'emballeront et elles exploseront comme des bombes H. Mais cette stabilité des étoiles, une fois "allumées", dépend aussi d'une autre coïncidence: le fait que la masse du neutron est un peu plus grande que celle du protonCela entraîne la désintégration rapide du neutron  (durée de vie hors du noyau de 14,8 minutes) en proton alors que ce dernier est d'une grande stabilité (le proton semble être stable. Sa demi-vie est expérimentalement mesurée comme supérieure à 6,6×1033 ans3. Sa durée de vie moyenne est au minimum de l'ordre de 2,1×1029 ans). Si c'était l'inverse, ce serait le proton qui se désintégrerait en neutron et les réactions de fusion seraient fondées sur les neutrons. Comme les électrons à l'état libre ne vivent que 15 mn environ, les étoiles ne vivraient guère plus d'un siècle et là aussi, la vie ne pourrait se développer. 

    On peut multiplier les exemples de cette sorte comme le montre l'ouvrage de Jonh Barrow et Frank Tipler, "The anthropic cosmological principle". L'existence d'un réglage précis pourrait être un heureux hasard, mais on se trouve devant toute une série de réglages précis, a priori indépendants les uns des autres, qui reposent sur une quinzaine de constantes fondamentales et de conditions initiales. Cela pose des formidables questions qu'on ne peut ignorer et cela constitue certainement la base d'une nouvelle approche de l'Univers..  

     

    liens: lacosmo.com -Notre Univers a-t-il été réglé de façon incroyablement précise ?

    futura-sciences.com -DEUS, la première simulation complète de l'univers observable

    www2.cnrs.fr -Première modélisation structuration 'Univers observable du Big-Bang jusqu'à aujourd'hui

    irfu.cea.fr -L'UNIVERS DANS UN SUPER-CALCULATEUR

    astronomes.com -Le réglage des constantes fondamentales

    podcastscience.fm -les constantes fondamentales de l'univers   groupebena.org -Les Constantes Universelles

    atoi2voir.com -Je ne crois pas au hasard dans l'univers

    wikipedia.org -Densité critique     astrosurf.com -L'avenir de l'Univers La densité de l'Univers

    cnrs.fr -La saga du Big Bang L'origine de l'Univers

    reflexiences.com -Les forces nucléaires forte et faible

    home.planet.nl -The Anthropic Cosmological Principle

     

    3) Le principe anthropique: lorsque la science pose ouvertement la question du sens.

     

     

     

     

     

     

     

    C'est l'astrophysicien Brandon Carter, qui le premier en prenant conscience de cette situation l'a érigée en principe: le "principe anthropique" (de anthropos, l'homme en grec). C'est un ensemble de considérations relatives au fait que l'Univers tel que nous l'observons possède certaines propriétés inéluctables liées au fait que nous y vivons, la présence de structures biologiques évoluées n'étant pas a priori une caractéristique présente dans tous les univers possibles. Il existe plusieurs versions du principe anthropique (versions dites « faible » et « forte », se distinguant par le fait que le principe anthropique est vu selon le cas comme une simple nécessité factuelle au fait que des individus intelligents y apparaissent, ou comme une sorte de finalité à son existence. Brandon Carter est promoteur de la version faible du principe anthropique et est relativement critique de ceux qui défendent la version forte. Puis Frank Tipler, professeur de mathématique à l'Université Tulane de la Nouvelle Orléans, s'est rendu célèbre pour ses travaux sur le "Principe Anthropique" avec John Barrow, ainsi qu'avec ses théories spéculatives sur le destin final de l'Univers.

    cvablog.com -création et évolution

    Le principe anthropique faible ressemble à une tautologie: "ce que nous pouvons nous attendre à observer doit être compatible avec les conditions nécessaires à notre présence en tant qu'observateurs." Puisque nous somme là, il faut bien que l'Univers ait les conditions requises pour pour permettre notre apparition. Cette affirmation n'est pas vraiment une tautologie, car elle exerce des contraintes sur les paramètres des modèles bâtis pour expliquer l'Univers. 
    Le principe anthropique fort a une connotation finaliste: "l'Univers, et donc les paramètres dont il dépend, doit être tel qu'il permette la naissance d'observateurs en son sein, à un certain stade de son développement." Les débats autour de ce principe ont été et sont toujours très chauds, voire passionnés avec des citations contradictoires comme en témoignent certains liens cités en fin de ce paragraphe. Citons quelques exemples. "Le principe anthropique représente le principe le plus fondamental dont nous disposions, vu que les explications physiques qu'il fournit sont basées sur le phénomène physique le plus solide que nous connaissions, à savoir notre propre existence... Il est, je crois ce que nous aurons de plus proche d'une explication ultime": (Joe Rosen). "La principe anthropique ne peut manifestement pas fournir d'explication scientifique au sens propre. Au mieux, il peut offrir une satisfaction de type "bouche-trou" à notre curiosité relative aux phénomènes pour lesquels nous n'avons pas encore obtenu d'explications scientifiques authentiques.": Martin Rees. "La reconnaissance du principe anthropique devrait être considérée comme un moment décisif dans le développement de la science, ouvrant de nouvelles voies vers des aspects inconnus de l'Univers": Nicola Dallaporta. "Contrairement aux principes de la physique conventionnelle, le principe anthropique n'est sujet à aucune vérification expérimentale - le signe sûr qu'il ne s'agit pas d'un principe scientifique. L'influence du principe anthropique sur le développement des modèles cosmologiques contemporains a été stérile...":  Heinz Pagels . "Je crois que le principe anthropique a non seulement constitué un stimulant à la recherche en cosmologie, mais qu'il fournit aussi un point de rencontre passionnant entre la théologie et les sciences et qu'il a certainement servi à réintégrer le facteur "être humain" qui, pendant des siècles, a été exclu des sciences physiques": George Coyne.
     "Je déteste profondément la théorie du principe anthropique et la considère comme un dernier recours absolu au cas où tous les  arguments physiques échoueraient..." Maccolm Sim Longair.

    On est un peu perplexe devant des avis aussi contradictoires. Il est vrai que ce principe n'a pas conduit à de nombreuses découvertes, mais une découverte importante est issue d'un raisonnement anthropique. La formation de l'atome de carbone 12 nécessite une étape intermédiaire (voir nucléosynthèse). En effet, 2 atomes de hélium forment un atome de béryllium 8 qui, avec un troisième atome d'hélium va donner du carbone. Mais le problème c'est que le noyau de béryllium est très instable. Pour que le carbone apparaisse, il faut que cette réaction soit la plus efficace possible. Cela nécessite qu'elle soit "résonnante", c'est à dire que le carbone ait un niveau d'énergie (un état excité) juste supérieur à la somme de ceux de l'hélium et du béryllium. Cette somme est de 7,36 Mev (millions d'électrons-volts). C'est pour cela que l'astrophysicien Fred Hoyle pour le carbone un niveau d'énergie autour de 7,7 Mev , considérant que le carbone est essentiel pour le développement de la complexité. Le mesure qui a été faite ensuite donne un un niveau d'énergie de 7,65 Mev. Puis, l'histoire continue: le carbone se combine avec un autre atome d'hélium pour donner l'oxygène, un des composants de l'eau, le liquide le mieux adapté au développement de la vie. Il faut donc que l'oxygène puisse se former, sans que tout le carbone disparaisse. Et pour cela, il faut que la réaction carbone + hélium ne soit pas résonnante, (que le niveau d'énergie de l'oxygène soit légèrement inférieur à celui de la somme "carbone + hélium", c'est l'inverse du cas précédent). Or, le niveau d'énergie du carbone et de l'Hélium est de 7,16 méga électrons-volts et celui de l'oxygène est de 7,11 méga électrons-volts. C'est ce qui fait qu'il y a à la fois du carbone et de l'oxygène disponibles en bonnes quantités dans l'univers.

    Des critiques du principe anthropique dont Christian Magnan ("les matérialismes et leurs détracteurs), pensent qu'il est abusif d'évoquer d'invoquer un raisonnement de type anthropique à propos de ce succès prédictif puisqu'il y a du carbone dans bien d'autres choses que des hommes". Mais les défenseurs du principe anthropique savent bien que s'applique à nous s'applique à toutes les formes complexes d l'Univers. C'est pourquoi Hubert Reeves préfère parler de "principe de complexité: "L'Univers possède depuis les temps les plus reculés accessibles à notre exploration, les propriétés requises pour pour amener la matière à gravir les échelons de la complexité." Pour certains scientifiques, le stade ultime de la complexité semble être le développement de la conscience, une "poussée vers la conscience" dans la nature (?), et pas uniquement chez l'homme (voir les thèses de Rémy Chauvin). On pourrait parler d'un principe de conscience avec Trinh Xuan Thuan: "l'existence de l'Univers n'a de sens que s'il contient une conscience capable de d'apprécier son organisation, sa beauté, et son harmonie. Il est inévitable que la conscience qui a émergé de l'ordre cosmique exalte cet ordre en le comprenant. La capacité de notre cerveau à comprendre les lois naturelles n'est pas un accident de parcours, mais un reflet de l'intime connexion cosmique entre l'homme et le monde."  

    wikipedia.org -le point oméga

    Certain défenseurs d'un "principe vraiment anthropique" pensent que la Terre est le meilleur endroit pour qu'une vie intelligente puisse se développer et appréhender l'univers. Le paléontologue Simon Conway-Morris ou l'astrophysicien Guillermo Gonzalez se basent sur la nécessité de l'existence de Jupiter pour "protéger" la Terre des astéroïdes et d'un satellite de grande taille comme la Lune pour stabiliser la rotation de la Terre pour affirmer qu'il s'agit d'un lieu absolument spécial. Frank Tipler, coauteur du livre de référence sur le principe anthropique va encore plus loin en se basant sur un modèle d'évolution de l'Univers de type big crunch pour assimiler le point final de l'Univers au "point oméga" de Teilhard de Chardin, aboutissement de la noosphère . Le "principe anthropique final, ou ultime" de Tipler prévoit une fin de l'Univers, mais toute l'information ayant existé au cours de l'histoire se retrouvera regroupée en ce point ultime, ce qui permet de développer un modèle pour la résurrection des morts! Est-ce la forme ultime du concordisme entre science et foi ou une dérive ultrascienciste? J'avoue que la vision de Teilhard de Chardin m'attirerait plus.

    Devant tous ces principes ces contradictions, ne serait-il pas souhaitable de rester au principe anthropique faible?  Les opposants au principe anthropique ont pu écrire: "Un poisson qui naîtrait dans une mare au milieu du désert ne manquerait pas de penser que cette mare a été crée pour lui tant il est miraculeux qu'une telle chose existe au milieu d'une aridité totale." Une histoire racontée par Hubert Reeves peut permettre de voir que ce n'est pas si simple. Pour résumer l'histoire, un condamné à mort est attaché à un poteau... Les 15 soldats tirent, le condamné ferme les yeux, et... l'instant d'après, il est toujours vivant. Dans son cerveau, les idées se bousculent. La première et la plus simple, c'est que tous les soldats, pour des raisons différentes et indépendantes on dû rater leur cible (le premier avait trop bu, le second avait oublié ses lunettes, le troisième, trop sensible, avisé à côté...). Mais pense le condamné, "ce n'est pas très crédible, c'est en fait le résultat d'un complot visant à me faire échapper à la mort. Il faut donc que je fasse le mort et me faire échapper." Puis, après réflexion, vient peut-être une autre solution: il n'a pas été possible de soudoyer tous les soldats, mais les balles ont été remplacées par des balles à blanc. Mais la conclusion reste la même, faire le mort, car un complot existe pour le maintenir en vie. Ces deux dernières solutions sont bien plus probables que la première qui pourtant apparaissait plus simple. Pour le principe anthropique, c'est la même chose. L'idée que nous soyons dans la même situation que le poisson dans la mare est encore infiniment probable que celle des 15 soldats qui avaient raté leur cible par hasard. Pour s'en convaincre, il suffit de lire le livre de Jonh Barrow et Frank Tipler. S'en tenir au principe anthropique faible, c'est se contenter de constater l'existence de d'extraordinaires coïncidences sans s'interroger sur leur raison d'être. Mais il y a peut-être une autre possibilité qui correspond au remplacement des munitions par des balles à blanc: toutes les coïncidences qui qui semblent indépendantes les unes des autres pourraient une cause commune. Les scientifiques recherchent une "théorie du tout", qui ne partirait pas du constat de la valeur des constantes universelles, mais expliquerait pourquoi il faut qu'elles aient telle ou telle valeur. Par exemple, si en partant de la densité critique et de la vitesse d'expansion, on pouvait démontrer qu'avec ces valeurs, les masses,  les charges des particules élémentaires et les forces fondamentales doivent être ce que nous en constatons, on aurait une explication unique à nombre de phénomènes. Mais cela ne suffirait pas pour redonner du crédit à l'idée que tout cela n'est pas fait par hasard. De même qu'il faudrait se demander qui a échangé les balles dans l'exemple du peloton, il faudrait se demander pourquoi le point de départ est ce qu'il est.

    Les réglages fins de l'Univers nécessaires pour qu'il ne soit pas stérile sont tellement précis que si tout reposait sur eux, il serait irrationnel de se contenter de faire appel au hasard. Stephen Hawking, à l'époque où il cherchait une théorie du tout  écrivait: "même s'il n'y a qu'une théorie unifiée possible, ce ne sera qu'un ensemble de règles et d'équations. Qu'est-ce qui insuffle le feu dans ces équations et produit un Univers qu'elles pourraient décrire? [...] La théorie unifiée est-elle si contraignante qu'elle assure sa propre existence? Ou a-t-elle  besoin d'un créateur, et si oui, celui-ci a-t-il d'autres effets sur l'Univers? Hawking a changé d'avis depuis, il pense qu'une telle théorie unifiée n'est pas possible à cause des conséquences du théorème de Gödel rejoignant ainsi l'opinion de de Basarab Nicolescu ou Trinh Xuan Thuan : "l'Univers nous sera t-il un jour révélé dans la totalité de sa glorieuse réalité? [...] Il est utile de mentionner les travaux du mathématicien autrichien Kurt Gödel, qui démontra en 1931 qu'il existera toujours en mathématiques des propositions indémontrables. De même qu'il est impossible de tout démontrer en mathématiques,l'esprit humain ne pourra jamais appréhender la totalité de l'Univers. L'Univers nous sera à jamais inaccessible. La mélodie restera secrète." Si une théorie unifiée est impossible, nous nous retrouvons dans le cas où tous les soldats ont été soudoyés pour rater leur cible. Mais si elle est possible, nous sommes dans le cas où on a échangé les balles. Mais dans tous les cas, l'idée d'une "conspiration"  subsiste pour expliquer l'adaptation de l'Univers au développement de la complexité.

    Peut-on dire alors qu'il est démontré que l'Univers correspondrait au déroulement d'un projet? Celui de Dieu? Nous allons faire une petite pause avant d'examiner ce point dans la partie 2 de l'article "Notre existence a t-elle un sens? 9) Dieu revient très fort".


    liens: fr.wikipedia.org -Principe anthropique     astrosurf.com -principe anthropique

    techno-science.net -Principe anthropique

    futura-sciences.com -Principe anthropique et minitrous noirs selon Jean-Pierre Luminet

    lacosmo.com -le principe anthropique par Christian Magnan (opposé à ce principe)

    asmp.fr -Le principe anthropique - Débat ( Bernard d'Espagnat, Trinh Xuan Thuan, Jean Bricmont,...)

    radio-canada.ca -Le principe anthropique       sceptiques.qc.ca -Principe anthropique

    bahai-biblio.org -L'esprit antropique Le problème métaphysique de l'intelligibilité...

    editions-bayol.com -le principe anthropique.Compléments du livre "Pour un principe matérialiste fort

    castelvieil.org -LE PRINCIPE ANTHROPIQUE : UN DÉBAT PHYSICO-PHILOSOPHIQUE

    st-edmunds.cam.ac.uk -Le principe anthropique et le débat entre science et foi

    bladi.net/forum -La théorie scientifique du principe anthropique fort

    lacosmo.com -QUESTIONS DE COSMOLOGIE Christian Magnan

    cvablog.com -réation et évolution Au delà du débat création versus évolution

    maykan.wordpress.com -Le Dieu de la science II : Les preuves

     

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